B - Les nano-technologies utilisées pour modifier les aliments
Si les aliments qui changent de couleurs, de texture, ou même de goût, par un simple passage au micro-ondes ne sont pour l'instant qu'en développement, il s'agira de la "prochaine génération" de nano-aliment. En effet, des produits plus communs, servant "seulement" à modifier la conservation, renforcer le goût,... sont déjà sur le marché, commercialisés par les plus grandes marques de l'industrie agro-alimentaire, tel Nestlé, Pepsi Co ou McCain Foods.
D'après Jozef KOKINI (directeur du "Center for advanced food technology" dans le New Jersey), "tous les géants de l'alimentation ont un programme en nanotechnologie ou comptent en développer un", ce qui prouve bien qu'elles sont une réalité qui ramène son lot de profit. Dans un rapport paru en 2004 (Nanotechnology in food and food processing industry worldwide), le cabinet Helmut Kaiser prédit que le marché de la nano-alimentation rapportera 20 milliards de dollars en 2010 et qu'il y aura un recours aux nanotechnologies pour modifier 40% des aliments industriels en 2015. Si ces chiffres semblent réalistes, ils restent difficiles à vérifier (suite au rejet massif des OGM, on peut comprendre que les entreprises ne se vantent pas de modifier atomiquement nos aliments).
Mais quels sont les différents moyens de produire ces nano-aliments ?
Le premier cas, déjà présent sur le marché, est celui des additifs préexistants qui sont enrichis par l'ajout de nanoparticules.
Ces additifs nano-structurés sont utilisés pour améliorer certaines propriétés des aliments, par exemple: la durée de vie en rayon (conservateurs), la couleur et la texture, renforcer le goût,...
Ainsi, en utilisant les mêmes additifs mais sous forme nano-structurée, on pourrait diminuer considérablement les doses. De plus, l'utilisation de micelles ou de nanocapsules (cf: annexe "Nanocapsules et Micelles") permet de libérer l'additif au fur et à mesure de la vie du produit et de ses besoins.
Tableau: exemple de nanoadditifs dans le commerce ou en cours de développement:

Il faut noter que ce tableau est loin d'être exhaustif: de nombreux additifs sont utilisés sans que les fabricants s'en servent pour se démarquer avec la création d'un nouveau produit comme dans les exemples cités.
On peut citer: le silicate d'aluminium pour empêcher l'agglutination des aliments en poudre, du dioxyde de silicium pour épaissir, par exemple, du ketchup, du dioxyde de titane dans les glaçages pour empêcher la pénétration de l'oxygène,....
Prenons l'exemple du conservateur pour viandes NOVASOL créé par l'entreprise allemande AQUANOVA.
La conservation de la viande demande de nombreux additifs (pour accélérer la production, fixer les couleurs,....). En utilisant un système de micelles (une trentaine de nanomètres) qui encapsulent des principes actifs (vitamines, acides gras), le produit NOVASOL offre une aide à la conservation et aux traitements en augmentant la puissance des principes actifs et leur disponibilité par leur taille nanométrique.
Ces additifs sont à la disponibilité des fabricants allemands depuis 2006 et les produits qui en résultent sont à la disposition de nombreux consommateurs européens sans que ceux-ci en aient forcément conscience.
Cependant, même s'ils peuvent avoir une action efficace, ces additifs ne sont pas le but final de l'utilisation de la nanotechnologie dans la nourriture.
En effet, les scientifiques ont un objectif beaucoup plus ambitieux: les "aliments intelligents".
Imaginez, des glaces sans lipide ni sucre qui conservent leur goût, des huiles qui inhibent le cholestérol (développées par Shemen Industries), des substituts alimentaires qui brûlent les graisses (les Nanotrim développés par Nanonutra),....
Les plus grandes entreprises misent sur ces aliments futurs.
Par exemple, la société agroalimentaire Kratf Food (propriétaire des marques: Milka, Côte d'Or, Toblerone, Suchard, Carte Noir, Grand'Mère, Jacques Vabre, Maxwell,..) a créée en 2000 un consortium1 de 15 entreprises, universités et laboratoires de recherches, Nanotek, dans le but de développer ces aliments intelligents.
Ils contiendraient des centaines de nanocapsules avec chacune des saveurs, des nutriments ou même des couleurs différentes. L'avantage serait qu'avec un simple passage au four micro-ondes, l'utilisateur pourrait choisir quelles nanocapsules éclater et donc quelles saveurs se répandraient.
Pour illustrer cela, il est intéressant de montrer les résultats de l'étude d'Andy WIJAYA sur les particules d'or dans la nanomédecine.
Les chercheurs ont mis au point deux formes de ces nanoparticules: les nanocapsules et les nano-os, qui se dissoudent lorsqu'elles sont exposées à la lumière infra-rouge et relâchent ainsi le médicament accroché à sa surface.

On peut bien voir que pour 800 nm, les nanocapsules (plus petites) fondent et les nano-os (plus grands) restent intacts alors que le phénomène inverse se produit pour une exposition à des rayons lunimeux de 1100 nm. L'utilisation serait exactement la même pour les aliments.
L'un des exemples les pus cités est certainement la boisson claire de Kraft Food dont l'utilisateur décide de la texture, du goût et de la concentration.
L'objectif à plus long terme pourrait être, par exemple, que l'aliment signale de lui même la détection une allergie à un de ses composants (par coloration de l'aliment par exemple) - des nanofiltres pour séparer le lactose du lait ont même été imaginés - ou encore qu'il délivre un supplément nutritif s'il détecte une carence: ce serait ansi la naissance de véritables aliments interactifs avec le corps humain.
1: collaboration temporaire entre plusieurs acteurs à un projet ou programme dans le but d'obtenir un résultat.